EDITORIAL

Le retour de « l’enfant prodige »

Tidjane Thiam est assurément l’une des plus grandes intelligences de la planète. Désigné en 2019, comme 56e personnalité la plus puissante du monde de la finance mondiale par The Power 100, devant le Président de la Banque Mondiale (60e) et la directrice du FMI (62e), il est une compétence rare dont la Côte d’Ivoire ne devrait pas se passer.

L’un de ses pairs de la finance internationale dira, et à juste titre, que « Tidjane représente probablement la plus grande réussite de la diaspora africaine en Europe ». On remplacerait « diaspora africaine en Europe » par « diaspora africaine » tout court, qu’on ne mentirait pas. Et pourtant, rien ne laissait présager un tel destin, mis peut-être à part le fait qu’il soit né dans la famille du premier président ivoirien, dont il est le petit neveu.

En effet, pour le jeune Tidjane, qui a passé son enfance entre la Côte d’Ivoire, le Maroc, la France et la Suisse, les choses ont semblé avoir commencé un peu trop nonchalamment, en retard même. Il raconte lui-même avec beaucoup d’amusement comment il a dû commencer l’école un peu plus tard que les autres, et ce, sous injonction de son grand-oncle.

Et puis, tout est allé vite, comme pour rattraper le temps perdu. De son brillant parcours scolaire, à son entrée dans la vie professionnelle en Europe et aux États-Unis, le jeune Tidjane a presque tout bien fait. Il a tout le temps donné la mesure et placé la barre haut, très haut. Viendra ensuite son passage dans l’administration publique ivoirienne, d’abord à la DGTX devenue ensuite BNETD, puis en tant que ministre. À ces positions, il a contribué à penser et à planifier la Côte d’Ivoire des vingt-cinq ou trente années suivant la fin des années 90. Ces responsabilités publiques ont fini par prendre brutalement fin, confirmant la justesse de la clairvoyance que le monde entier lui reconnaît aujourd’hui. Qui ne se souvient pas du fameux « suicide du scorpion » ?

S’ouvrait ainsi pour le brillant « jeune décideur de demain », la seconde saison des multiples vies qui allaient finir par le placer au sommet de la finance mondiale. Une constante dans cette multitude de vies, son attachement au développement inclusif et endogène, aussi bien à l’international que sur son continent d’origine. Autant qu’il le pouvait, Tidjane a porté la voix et la vision de l’Afrique dans les tours de table des organisations les plus prestigieuses de la planète. Puis un jour, à nouveau, contre toute attente, et de manière tout aussi brutale que lors du coup d’État militaire de 1999, notre champion de l’excellence fut projeté dans la troisième saison de sa riche vie; un peu comme si ses racines africaines et la voix de ses ancêtres l’avaient convoqué. Depuis, pour le compte de tous les pays africains, à travers l’UA, aux côtés de siens, il participe à la réponse de notre continent face à la pandémie de la Covid-19, ainsi que face aux défis économiques et financiers soulevés. Tout ceci, n’occultant en rien son rôle non moins important à la tête de Rwanda Financial Limited. De cette position, il participe à faire de Kigali une des principales places financières du continent, afin d’avoir un impact plus durable sur la transformation économique de l’Afrique.

C’est auréolé de ce stratosphérique parcours, que Tidjane Thiam est retourné chez lui, en Côte d’Ivoire, en 2022, deux fois, après une vingtaine d’années. Il a renoué avec sa terre natale et les siens. À écouter ses camarades d’école du Lycée Classique d’Abidjan, ou ses cousines de la maison familiale à Yamoussoukro, l’homme n’a rien perdu de ses valeurs. Son amour pour son pays, sa détermination à toujours œuvrer à la construction d’une Côte d’Ivoire apaisée et prospère, semblent intactes. Et puis, que dire de ceux qu’on appelle « les Thiamistes », ses compatriotes de tout âge et de toutes couches sociales, pour qui il incarne une certaine idée qu’ils se font de leur pays : celle d’une Côte d’Ivoire d’excellence, d’équité, de justice et de tolérance ; une Côte d’Ivoire qui devrait siéger au rang des grandes nations développées.

Marc-Arthur Gaulithy

Retour en haut